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l’esclave.

exclamation de surprise et devint pâle. Le correcteur sourit.

— Eh bien, petit, dit-il, tu m’arrives donc enfin ? Tu t’es bien difficilement décidé à faire ma connaissance ?… Du reste, le maître est trop bon ; il se contente de plaisanter avec toi. Par Hercule ! si tu avais été l’esclave d’un affranchi, il t’eût fait manger aux lamproies.

En parlant ainsi, le correcteur avait fixé la fourche à la poitrine et aux épaules d’Arvins ; il attacha ses bras aux deux extrémités qui dépassaient, et enchaîna l’enfant à un poteau placé près de l’entrée. Le regardant alors avec un rire féroce :

— Te voilà en excellente position pour prendre l’air, dit-il ; la nuit va venir, tu pourras étudier les étoiles.

À ces mots, il fit un signe d’adieu à Arvins, et disparut.

Celui-ci avait gardé le silence : son corps était resté droit, sa tête fièrement levée, ses regards dédaigneux ; mais au fond de son cœur grondait un orage de douleur et de colère. Dans ce moment il eût accepté tous les supplices avec joie, à condition de les voir partagés par Corvinus.

Le souvenir de sa mère venait encore augmenter sa rage. Sans le châtiment honteux qui lui était infligé, il l’aurait déjà retrouvée ; il la serrerait maintenant dans ses bras. Elle l’attendait sans doute, et accusait peut-être son retard !