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au bord du lac.

Il lui avoua ses espérances ; l’Arménien sourit tristement.

— Tu crois donc que je ne pourrai arriver à racheter ma liberté et celle de ma mère ? lui dit l’enfant avec inquiétude.

— Je ne crois point cela ; mais que feras-tu de cette liberté ? N’espère pas retourner en Armorique ; ton ancien maître ne te le permettra point. Il faudra que tu vives sous son patronage, que tu le soutiennes, s’il tombe dans la pauvreté. La loi le fait ton héritier, au moins pour moitié de ce que tu posséderas ; et s’il a sujet de se plaindre de toi, il peut t’exiler à vingt milles de Rome, sur les côtes de la Campanie. Voilà la liberté des affranchis ; ce sont toujours des esclaves dont on a allongé les chaînes.

— N’importe, dit Arvins, je serai du moins près de ma mère ; nous parlerons ensemble de nos grèves, de nos forêts, et j’attendrai de meilleurs jours en aiguisant mes armes.

— C’est-à-dire que tu vivras avec la vengeance pour espoir.

— Et les dieux de l’Armorique ne trahiront point ma confiance, dit Arvins d’une voix sourde. Nos druides l’ont dit : Un jour viendra où chaque orphelin pourra abreuver de sang ennemi la tombe de son père. Je connais la place où repose le mien, Nafel ; je la rendrai plus rouge que la pourpre dont s’habillent nos vainqueurs.

La main droite du jeune Celte s’était étendue comme