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l’esclave.

À la surprise qu’un genre de vie si nouveau devait exciter chez Arvins, succéda bien vite le mépris. Élevé dans les habitudes frugales de sa nation, et accoutumé à dédaigner tout ce qui n’ajoutait ni à la force de l’homme, ni à sa sagesse, il détourna les yeux avec un superbe dégoût de cette profusion sans but, et se remit à penser tristement à l’Armorique.

Le souvenir de sa mère lui était d’ailleurs toujours présent ; c’était le seul amour qui lui restât, le dernier intérêt de sa vie ; il espéra qu’à force de recherches il pourrait découvrir dans Rome le maître qui l’avait achetée.

Mais pour essayer cette enquête difficile, il fallait avant tout pouvoir se faire entendre. Il se mit donc à étudier le latin avec toute l’ardeur que peut donner une passion unique et profonde. Malheureusement, sa langue, accoutumée au rude accent celtique, se refusait à de plus molles inflexions. Sa mémoire ne retenait qu’avec une sorte de paresse haineuse les mots de ce peuple ennemi ; on eût dit que tous les instincts patriotiques se révoltaient en lui contre le langage du vainqueur. Mais la volonté de son cœur, plus patiente et plus forte, finit par dompter ces répugnances ; quelques mois s’étaient à peine écoulés, qu’Arvins put comprendre ce qu’on lui disait, et y répondre.

Il commença alors ses recherches ; mais il s’aperçut bientôt que, pour les rendre profitables, le loisir et la liberté lui manquaient. Son temps appartenait au maître, et c’était à peine s’il disposait, chaque jour, de