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l’esclave.

Comme dernier enchérisseur, le Romain s’avança alors sur les tréteaux, auprès d’un homme qui avait devant lui une petite table, sur laquelle se trouvaient des balances d’airain ; et, prenant un as à la main :

— Je dis, répéta-t-il, que, d’après le droit des quirites, ce jeune garçon est à moi, et que je l’ai acheté avec cette monnaie et cette balance.

Puis il laissa tomber l’as dans un des plateaux.

Ce bruit fut comme un coup de mort pour Norva, car il avait également précédé le départ de chacun de ses compagnons. L’enfant se troubla un moment en voyant la pâleur de sa mère ; mais un coup d’œil de Morgan suffit pour ramener le calme dans son attitude.

Le vieillard se pencha vivement vers Norva, murmura quelques paroles à son oreille, et la pauvre mère se redressa vivement.

Cette scène fut trop rapide sans doute pour être remarquée par aucun étranger. Morgan parut le croire, du moins, car il lança sur la foule romaine son même regard de dédain.

Le maquignon vint prendre Arvins, afin de le réunir aux anciens esclaves de l’affranchi, qui attendaient leur nouveau compagnon aux pieds des tréteaux. Un geste brutal sépara l’enfant de la mère, et les lèvres de la pauvre femme n’eurent pas même le temps de se poser sur le front de son fils.

— Au revoir, ma mère, cria Arvins ; nous nous reverrons dans peu, j’espère ; car je compte sur ma force et ma patience. — Au revoir, Morgan.