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l’esclave.

Plus la foule grossissait autour de la taverne du maquignon et plus il redoublait de bavarde effronterie. On eût dit que la figure ignoble de ce marchand d’hommes, personnification vivante de toutes les passions honteuses et brutales, était jetée là comme contraste devant ces belles têtes celtiques qui ne reflétaient, pour la plupart, que de fiers instincts et de sérieux sentiments.

Déjà plusieurs marchés avaient été conclus, plusieurs arrêts de séparation avaient été prononcés entre des êtres aimés. Plus d’un vieillard avait vu s’éloigner le fils sur lequel il s’appuyait ; plus d’un enfant avait vu partir sa mère ; et tous pourtant tenaient religieusement la promesse qu’ils avaient faite de ne point donner leur douleur en spectacle à des ennemis. On étouffait un soupir, on refoulait une larme dans son cœur à chaque nouveau compagnon qu’on voyait se perdre au loin dans la foule, et si le courage d’une mère l’abandonnait au départ de son enfant, on se plaçait devant elle, afin que ses gémissements n’arrivassent point jusqu’aux maîtres !

Toutes les scènes de ce drame poignant, mais silencieux, retentissaient dans l’âme de Norva. À chaque coup qui tombait sur un de ses frères, elle sentait comme une nouvelle faculté douloureuse se développer au fond de son cœur, mais quand elle était près de défaillir, elle levait les yeux sur Morgan, et la vue de cette tête impassible lui rendait son courage.

Pendant quelques instants cependant le cœur de la