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l’apprenti.

qu’il aurait pu commettre par imprudence ; et, réunissant à la hâte ses dessins épars, il les rejeta dans son carton qu’il ferma soigneusement.

Son interlocuteur le regarda avec étonnement et lui présenta de nouveau les trois pièces d’or.

— Je vous remercie, Monsieur, dit Frédéric, mais je ne puis accepter un tel marché. Je réfléchis que je dispose d’une propriété qui ne m’appartient pas, et je ne veux ni ne dois le faire. Adressez-vous directement à M. Kartmann ; il pourra, mieux que moi, juger si votre demande ne nuit en rien à ses intérêts.

L’étranger sentit que Frédéric avait deviné ses intentions.

— Je comprends, dit-il, le motif de votre refus. Vous savez que les fabricants cachent leurs machines aux regards des autres industriels, et vous craignez que votre chef, en apprenant que vous m’avez livré ces dessins, ne vous renvoie de ses ateliers ; mais je puis vous faire de tels avantages que ce renvoi serait pour vous une fortune. Je vous offre dès maintenant, dans ma fabrique, des appointements doubles de ceux que vous recevez ; et je vous payerai, en outre, le jour où vous me remettrez l’épure que je vous demande, la somme que vous fixerez vous-même.

Frédéric n’en entendit pas davantage, il saisit vivement son carton ; et, jetant sur l’étranger un regard où la honte se mêlait à l’indignation :

— Je ne sais ni trahir ni me vendre, Monsieur, dit-il d’une voix tremblante.