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au bord du lac.

dait Frédéric avec effroi ; et il n’osait respirer. Quelque chose l’avertissait que ce n’était point un hasard, mais une volonté providentielle qui le rendait témoin de cette scène : jamais il n’avait éprouvé une pareille anxiété.

Quand les nouveaux venus se crurent à l’abri de toute surprise, l’un d’eux prit la parole, et d’une voix basse mais bien articulée, et qui prouvait l’importance qu’il attachait à ses explications, il développa le projet qu’il avait conçu.

Ce projet ne consistait en rien moins qu’à forcer, au milieu de la nuit, les fenêtres du comptoir de M. Kartmann et à enlever sa caisse. Frédéric reconnut, dans les explications qui furent données, que ceux qui tramaient ce complot étaient des ouvriers mêmes de la fabrique, et il ne put se défendre d’un mouvement d’horreur ; mais songeant combien il lui importait de connaître tous les détails de cette affaire, il se tint plus immobile que jamais.

Les rôles furent distribués.

— Un de nous, dit celui qui avait expliqué l’affaire, s’introduira le premier dans le comptoir par le carreau cassé ; voyons, quel est le plus mince ? Ça doit être François.

À ce nom Frédéric sentit un horrible frisson parcourir tout son corps. Mais quand il entendit la voix de son frère répondre aux instructions qu’on lui donnait, il laissa échapper malgré lui un cri de saisissement et de douleur.