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l’esclave.

seras qu’un triste rameau détaché de sa tige, rappelle-toi que l’Armorique est ta patrie, et qu’avant le jour où Rome a foulé ta terre natale, les Celtes, qu’elle a chargés de chaînes, vivaient libres et heureux sous leurs grandes forêts. À nos vainqueurs donc toute ta haine ! et quand nos dieux, les seuls vrais et puissants, permettront que le moment de la délivrance arrive pour ton pays, montre à cette nation que, nous aussi, nous sommes dignes d’être maîtres ; car nous savons faire souffrir ! Si jamais, à la vue d’un de nos ennemis, tu te sentais pris d’un sentiment de pitié, écoute tes souvenirs, et tous te diront, qu’à défaut d’autre héritage, les Armoricains ont transmis à leurs enfants celui de la vengeance.

Les éclairs qui jaillirent des yeux d’Arvins contenaient plus de promesses que les plus énergiques paroles. Morgan, le noble et courageux vieillard, mais le prêtre d’une religion sans pardon, parut heureux des sentiments qu’il venait d’exciter ; il posa sa main sur la tête de l’enfant en signe de bénédiction, se tourna vers la mère et ajouta :

— Ne crains rien pour ton fils, Norva ; il a déjà le cœur assez fort pour que les maux de la vie passent sur lui sans l’avilir.

Le clepsydre du temple de Castor marquait la cinquième heure ; c’était le moment où la place du Forum allait être envahie par la foule ; le maquignon imposa silence aux esclaves.

Norva se pressa contre Morgan et essaya de mettre