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l’apprenti.

d’amusement, et ne s’en faisant jamais un motif de réflexion. Aussi, bien qu’il fût l’apprenti le plus laborieux de la fabrique, il était demeuré complétement étranger à tout travail de pensée : il lui fallut donc une volonté puissante pour fixer son esprit toujours vagabond. Pendant les premiers jours, et quoi qu’il fît pour la soumettre, il sentait constamment sa pensée lui échapper. Puis la mémoire, cette faculté qui ne s’acquiert et ne s’entretient que par un continuel exercice, lui manquait presque entièrement. Cependant, peu à peu il réussit à effacer les mauvaises influences de sa première éducation ; à force de le vouloir et d’y employer toutes ses facultés, il parvint à maîtriser sa pensée, à lui imposer une direction. Une fois qu’il eut remporté cette première victoire, qui mettait ses capacités intellectuelles au pouvoir de sa volonté, l’étude lui parut plus facile ; ce qui d’abord lui avait semblé obscur s’offrit à lui sous une forme précise ; son esprit put sans trop de fatigue aller de la cause à l’effet et tirer des déductions ; mais que d’efforts cachés, que de généreuses résistances avant d’arriver là !

Depuis quelque temps Frédéric et François avaient quitté leur grenier pour se mettre en pension chez une vieille femme, nommée Odile Ridler, qui avait été l’amie de leur mère. Une fois installé dans sa nouvelle demeure, notre jeune apprenti put profiter du feu et de la lumière de son hôtesse pour travailler le soir et repasser les leçons reçues. Mais ce qui lui pro-