défaillants, elle leur prit à chacun une main et les attira doucement sur sa couche.
— Dans quelques heures, leur dit-elle, vous serez entièrement orphelins, et vous n’aurez plus pour vous soutenir que vous-mêmes. Dieu est bon pour moi ; il m’enlève au moment où mes bras devenaient trop faibles pour vous nourrir. J’aurais voulu vivre encore quelque temps pour vous guider… mais, puisqu’il faut mourir, écoutez-moi : je n’ai à vous dicter que le testament du pauvre, celui des bons conseils. Avant que vous soyez en âge de gagner votre vie comme des hommes, vous aurez bien des mauvais jours à passer ; quels que soient vos besoins, pourtant, rappelez-vous que la probité est votre seule richesse. Souvent j’aurais pu m’approprier le bien des autres quand vous manquiez de pain, mais j’ai mieux aimé entendre vos cris de faim que de faire une chose défendue par Dieu. D’ailleurs, l’avenir ne peut manquer de valoir mieux pour vous que le passé. Toi, Frédéric, tu es bien jeune encore, car c’est seulement à Noël dernier que tu as eu treize ans ; mais tu possèdes une véritable fortune, l’amour du travail. Quant à toi, enfant, ajouta-t-elle en tournant ses regards éteints vers son fils aîné, ne t’irrites point de ce que je vais te dire, et n’y vois point un reproche du passé, mais seulement une prière pour l’avenir. Veille sur toi, François ! tu n’aimes point le travail, et c’est cependant la seule garantie de probité pour le pauvre. Quand on n’a pas le courage de gagner son pain de chaque jour, on est