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l’esclave.

ce luxe de marbre, de bronze, de monuments, était à peine remarqué par la plupart d’entre eux. Une seule chose les frappa, ce fut l’aspect presque désert de cette place au milieu de laquelle ils avaient vu, quelques jours auparavant, circuler des flots de population. C’était le moment où les magistrats rendaient la justice, où les négociants traitaient les affaires de commerce dans les basiliques, où les acheteurs étaient occupés dans les tavernes. Quant aux oisifs, ils se trouvaient, comme toujours, là où était le mouvement, sérieusement occupés de regarder le travail des autres, et de le juger sans y prendre part.

Dans une heure ou deux, la physionomie du Forum allait complétement changer. La population romaine devait inonder cette place ; mais d’ici là les captifs étaient maîtres de leurs mouvements et de leurs pensées.

Ils employèrent ces moments d’attente à de derniers adieux. Les mains purent encore se presser une fois ; on put échanger quelques larmes ; parler de ceux qui étaient morts ; répéter le nom du pays dans cette douce langue celtique qu’il faudrait bientôt abandonner pour celle des maîtres !

Les plus forts essayèrent de donner quelques consolations aux plus faibles en leur parlant de vengeance. Ils répétèrent que tout n’était point perdu de l’Armorique, puisque les dieux qui la protégeaient veilleraient toujours sur ses enfants exilés ; mais parmi les voix qui s’élevèrent pour encourager les généreuses