Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/197

Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
au bord du lac.

se mit à l’entraîner avec effort vers l’abri qu’il avait entrevu.

Le moine, à demi réveillé, se redressa sur ses pieds et se remit machinalement en marche ; enfin tous deux atteignirent l’édifice, dont la sombre silhouette se dessinait dans l’ombre. Remy releva les yeux… c’étaient les fourches de justice de la sénéchaussée, auxquelles pendait encore le cadavre du dernier supplicié !

Cette espèce de désappointement abattit ce qui lui restait de courage. Après avoir de nouveau promené ses regards autour de lui sans rien distinguer autre chose que le sombre abîme de la nuit, au milieu duquel les arbres levaient leurs bras tortueux comme de lugubres fantômes, il s’assit à côté du frère Cyrille, appuya sa tête sur un pan de la robe du moine et se laissa aller à la somnolence qu’il avait jusqu’alors combattue.

Cependant un reste d’énergie vitale luttait encore dans son cœur et lui faisait percevoir vaguement ce qui se passait ; il sentait que la pluie avait recommencé à tomber, et il rabattit machinalement le capuchon sur la tête du frère Cyrille ; puis il entendit les oiseaux de proie pousser leurs cris sinistres autour du gibet, puis les hurlements des loups rôdant sur la lisière des fourrés ! enfin il lui sembla qu’une ombre s’avançait vers eux !

Il fit un effort pour se redresser, et aperçut une vieille femme d’un aspect hideux, qui s’était arrêtée en le voyant, avec un geste de surprise.