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le chevrier de lorraine.

d’autre abri que des masures à demi écroulées ou des carrières abandonnées. Le Père Cyrille, qui avait jusqu’alors accepté toutes les peines et les privations sans se plaindre, ne put y résister plus longtemps. Le quatrième jour, il s’arrêta à l’entrée d’un petit taillis, vaincu par le froid, la lassitude et la faim, et se laissa tomber lourdement sur un tronc d’arbre abattu.

— Quand il s’agirait du paradis, je ne pourrais faire un pas de plus, dit-il d’une voix affaiblie ; laisse-moi ici, mon fils… et continue sans moi.

— Au nom de Dieu, mon père, encore un effort ! interrompit Remy ; que nous puissions au moins atteindre quelque cabane… allumer un peu de feu… Ici vous êtes sans abri… Mon père, je vous en supplie !

Le frère Cyrille ne répondit que par un murmure inintelligible : ses paupières engourdies par le froid s’étaient refermées ; ses membres, que la fatigue avait appesantis, demeurèrent immobiles. Remy continua en vain ses prières pendant quelque temps : son compagnon s’était endormi !

Saisi de frayeur, il courut vers la route en appelant à grands cris et cherchant de l’œil, au milieu de la nuit qui était descendue, quelque fumée qui pût lui faire espérer un prochain secours. Après avoir longtemps regardé en vain, il crut apercevoir plus loin, au bord de la route, une construction dont il ne put bien distinguer la forme, mais qui lui parut importante et élevée. Ne doutant point que ce ne fût une maison, il revint au frère Cyrille, le souleva dans ses bras et