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le chevrier de lorraine.


§ 5.


À mesure que nos deux voyageurs approchaient de la limite où l’autorité française s’était maintenue, le pays devenait encore plus ravagé, et les faibles secours qu’ils avaient trouvés jusqu’alors leurs manquèrent complétement. La population, en butte aux attaques des deux partis, s’était lassée de relever des toits toujours incendiés, de semer des moissons toujours fauchées en herbe ; elle avait pris la fuite, si bien que tout était désert. Cyrille et Remy étaient forcés de faire de longs détours, afin de passer par les bourgs où ils pouvaient trouver quelques ressources ; mais, outre qu’ils prolongeaient ainsi leur route, la rencontre des partis qui battaient le pays les exposait à mille dangers.

Qu’ils fussent Français, Bourguignons ou Anglais, on pouvait les regarder comme ennemis de quiconque se trouvait trop faible pour leur résister. Nos deux voyageurs furent plusieurs fois arrêtés et rançonnés autant que le permettait leur indigence ; mais en arrivant à Tonnerre, ce fut bien autre chose : soit feinte, soit erreur, on les prit pour des espions, et tous deux furent jetés en prison.

Le moine demanda en vain à parler au gouverneur ; plusieurs jours s’écoulèrent sans qu’il pût l’obtenir. On les avait placés dans une salle basse où se trouvaient enfermés des juifs, des caignardiers et des ro-