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au bord du lac.

— Ainsi je ne me suis pas trompé ! s’écria Remy ; vous êtes bien Jeanne Romée.

— Si bien, que voici mon frère Pierre, dit la paysanne en montrant un jeune soldat qui venait de s’approcher. Que le grand Messire soit loué de mettre sur mon chemin un visage connu et qui me rappelle mon pauvre village !

— Dieu nous sauve ! Depuis quand les filles des champs voyagent-elles en habits de cavalier et l’épée au côté ? demanda le frère Cyrille avec surprise.

— C’est en effet chose peu ordinaire, mon révérend, répliqua la paysanne avec modestie ; mais la nécessité des temps est une dure loi.

— Et où allez-vous ? reprit le moine.

— Vers le roi de France, mon père, pour remplir une mission.

Frère Cyrille allait continuer ses questions, lorsqu’un des cavaliers qui accompagnaient la jeune fille, et qui, par son âge aussi bien que par son costume, semblait supérieur aux autres, s’approcha.

— Montrez plus de prudence, Jeanne, dit-il vivement ; c’est trop déjà qu’on vous ait reconnue, et si vous racontez à tout venant vos projets, la route ne peut manquer de nous être fermée.

— N’ayez point de souci, messire Jean de Metz, répondit la jeune fille avec calme ; ceux ci peuvent être regardés comme bons Français.

— Priez-les alors d’oublier votre rencontre et ce que vous avez pu leur dire, car du secret dépend la réussite.