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au bord du lac.

Remy lui demanda si l’on avait de bonnes nouvelles.

— Bonnes pour les Anglais, que Satan confonde ! répliqua l’archer. Ils tiennent toujours Orléans assiégé, et ils ont élevé autour des bastilles qui coupent toute communication ; si bien que la ville meurt de faim en attendant qu’on l’égorge.

— Et l’on ne peut lui porter aucun secours ? demanda le jeune garçon.

— Pour voir recommencer la journée des Harengs ? répliqua Exaudi nos ; non, non, la Trinité et toute sa milice est pour les goddem. Orléans est le dernier boulevard du royaume ; une fois aux Anglais, il ne restera plus d’autre ressource que de se retirer dans le Dauphiné, comme on dit que le roi Charles VII en a l’intention.

— Ce sont de tristes nouvelles à porter en Lorraine ! fit observer le frère Cyrille, qui, à travers ses préoccupations scientifiques, conservait un sentiment de nationalité juste et sincère.

Exaudi nos remplit son verre qu’il vida d’un trait, fit claquer sa langue contre son palais et hocha la tête avec insouciance.

— Bah ! reprit-il d’un ton expansif, après tout il n’y a de malheur que pour les bourgeois et pour la paysandaille. Nous autres, gens de guerre, nous trouvons à ça notre compte ; et, comme dit notre capitaine, les moutons qui n’ont plus ni chiens ni bergers sont plus faciles à tondre.