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au bord du lac.

Muses se levèrent en jetant autour d’eux des eaux de senteurs qui retombèrent de tous côtés comme une pluie parfumée, et un Normand déguisé en cheval Pegasus chanta une bacchanale de son pays attribuée à Basselin lui-même.

Le cliquetis que j’aime est celui des bouteilles ;
Les pipes, les bereaux pleins de liqueurs vermeilles,
Ce sont mes gros canons qui battent, sans faillir,
La soif, qui est le fort que je veux assaillir.

Il vaut bien mieux cacher son nez dans un grand verre,
Il est mieux assuré qu’en un casque de guerre ;
Pour cornette ou guidon suivre plutôt on doit
Les branches d’hiere ou d’if qui montrent où l’on boit.

Il vaut mieux, près beau feu, boire la muscadelle,
Qu’aller sur un rempart faire la sentinelle.
J’aime mieux n’être point, en taverne, en défaut,
Que suivre un capitaine à la brèche, à l’assaut.

Les convives applaudirent avec de grands transports.

— Par saint Barthélemy, voilà ce que j’appelle une chanson ! s’écria un gros prieur, qui avait toujours son assiette pleine et son gobelet vide ; si tout le monde était de l’avis de Pegasus, nous ne verrions point la France livrée aux hommes d’armes.

— De fait, pourquoi tant combattre le Bourguignon et l’Anglais, reprit le sire de Forville, puisqu’ils sont les plus forts ?

— Et qu’ils nous laissent toucher la dîme, ajouta le prieur.