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au bord du lac.

nos gentils princes de les régler, avec l’aide de Dieu.

Le lendemain Remy se leva au point du jour ; il trouva Jeanne déjà au travail. Après l’avoir remerciée de ce qu’elle avait fait pour lui, il s’informa de la route de Vassy. La jeune fille, qui allait sortir pour mener les troupeaux aux friches, le conduisit elle-même jusqu’au prochain carrefour, et, après lui avoir montré la direction qu’il devait suivre :

— Allez toujours devant jusqu’à Marne, lui dit-elle ; et quand vous rencontrerez une croix ou une église, n’oubliez point le royaume de France dans vos prières.

À ces mots, elle lui remit le pain qu’elle avait apporté pour son propre déjeuner, outre trois deniers qui formaient toutes ses épargnes ; et, comme il voulait la remercier, elle s’élança légèrement sur le cheval qui se trouvait en tête, et le lança au galop vers le bois, suivie de tout le reste du troupeau.

Quelle que fût la misère du peuple de Lorraine par suite des exactions commises sous l’autre règne et des discordes politiques du temps présent, il pouvait s’estimer heureux en comparant son sort à celui des provinces voisines. Il lui était possible de cultiver en plein jour, de couper et de battre ses blés, de faire paître ses troupeaux sur les collines ; le pays était appauvri, mais non complétement dévasté. Tout se bornait aux déprédations exercées par les différentes garnisons des villes et aux pillages des troupes de Bohémiens ou d’aventuriers armés, qui, comme les loups, sortaient vers le soir des taillis pour chercher