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au bord du lac.

source abondante. On le respectait dans la contrée comme un arbre magique sous lequel les fées venaient chaque soir former leur ronde à la lueur des étoiles. Tous les ans le seigneur du canton, suivi des jeunes gens, des jeunes filles et des enfants de Domremy, se rendait sous le grand hêtre que l’on décorait de bouquets et de rubans.

Or, ce jour-là une foule nombreuse venait d’achever les cérémonies habituelles et se préparait à regagner le village.

On voyait en tête un groupe de gentilshommes vêtus de soie et à cheval, au milieu desquels se trouvaient quelques nobles dames portant à la ceinture le trousseau de clefs qui indiquait leur titre de châtelaine, et quelques jeunes damoiselles tenant encore à la main leur chapelet de grains de verre colorié entremêlés de patenôtres de musc. Derrière venaient les laboureurs vêtus de drap jaunâtre, avec la ceinture et l’escarcelle de peau de chèvre ; puis les jeunes filles et les enfants qui chantaient des reverdies dans lesquelles on célébrait l’arrivée des beaux jours. De loin en loin marchaient quelques convalescents venus pour recouvrer plus vite leurs forces en faisant trois fois le tour du vieux hêtre, des malades qui s’étaient fait porter jusqu’à la source dont les eaux guérissaient la fièvre. Enfin, au dernier rang cheminait une famille composée d’un homme et d’une femme déjà sur l’âge, qu’accompagnaient trois fils et deux filles.

Les visages du père et de la mère étaient graves et