bout de sa chaîne à traîner ; ici seulement est la délivrance ; ici l’on retrouve la dignité de l’homme. Ah ! naguère je ne voyais dans vos couvents que des maisons de prières ; mais maintenant je sais que ce sont aussi des hospices pour les cœurs affligés. Au milieu de cette société barbare encore, basée sur les droits du plus fort, les monastères sont comme ces hautes montagnes où se réfugient les vaincus pour échapper à la servitude. Quand l’égoïsme et la violence abrutissent la foule, ici se conserve le saint héritage de la science, de la justice, de la liberté !
— Et vous pouvez ajouter, mon frère, que cet héritage se répandra d’ici sur toute la terre, ajouta le moine. Oui, un jour viendra où la fraternité que nous prêchons deviendra la loi générale ; où les sociétés des hommes ne seront que de grandes communautés dans lesquelles tous seront égaux, et où les chefs librement élus pourront seuls commander. C’est à cette grande œuvre que nous devons consacrer nos efforts et nos prières.
— Hélas ! dit Jehan, s’il en est ainsi, que ne sommes-nous venus sur cette terre quelques siècles plus tard ; pourquoi devons-nous bâtir avec une sueur de sang l’édifice où d’autres seront à couvert ?
— Et savez-vous, mon frère, ce qu’ont souffert ceux qui ont préparé le nôtre, reprit vivement le moine ? Croyez-vous qu’ils n’aient point été plus cruellement éprouvés que nous, les premiers chrétiens qui proclamèrent la liberté des hommes et leur égalité devant