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le serf.

— C’est la vérité, garçon, reprit le pêcheur ; mais qu’y faire ? Le vassal est obligé de prendre les armes quand le seigneur l’ordonne.

— Oui, dit Jehan, et s’il refuse on le condamne comme lâche et félon, car il n’est point maître de sa haine ; sur un signe, sur un mot, son voisin d’hier doit devenir son ennemi ; et cela sans qu’il sache pourquoi ! Il faut qu’il épouse toutes les colères de son maître, qu’il frappe où celui-ci ordonne de frapper !

— Heureusement que je n’ai personne de ma famille sur le domaine de Vaujour, fit observer le pêcheur.

— Ni moi, je l’espère, dit Jehan.

— Mais, j’y pense, ta cousine Catherine ?…

— Elle est au service de la fille du duc et habite le château même, où il n’y a rien à craindre.

— Tu te trompes, Jehan, dit une voix.

Le jeune homme se détourna vivement et aperçut maître Moreau.

— Catherine n’est plus au château, continua l’intendant.

— Comment savez-vous ?… s’écria Jehan.

— Par les espions qui ont parcouru le domaine de Vaujour. Elle a rejoint sa mère qui était malade.

— Au vivier, s’écria Jehan ; ah ! j’y cours.

— C’est inutile.

— Comment ?

— La troupe commandée par Pierre y est déjà avec ordre de tout brûler.