vieillards, dont un scribe prenait les noms. Tous faisaient entendre de sourds gémissements et levaient au ciel des yeux noyés de larmes.
— Ce sont les serfs appartenant aux terres vendues, dit maître Moreau ; dans un instant l’intendant du seigneur de Vaujour va les emmener, et ton choix serait alors inutile : décide-toi donc si tu ne veux perdre sans retour ton père et ta cousine.
La situation de Jehan était horrible. Partagé entre deux affections qu’il s’était accoutumé jusqu’alors à regarder comme égales, il n’osait interroger son cœur. Sauver Catherine, c’était sauver, pour ainsi dire, son avenir et assurer la réalisation de toutes ses espérances : mais sauver son père, c’était payer la dette de reconnaissance que lui avait léguée le passé. Des deux côtés les dangers étaient égaux ; aussi, éperdu, haletant, n’osait-il prononcer un arrêt qui lui faisait manquer au devoir ou anéantissait son bonheur.
Il était tombé à genoux près de la fenêtre, les mains jointes, demandant à Dieu de l’inspirer et ne pouvant trouver en lui la force nécessaire pour une décision, lorsque Catherine, qu’il n’avait point encore aperçue sortit tout à coup de la foule. En la voyant si belle et si éplorée, Jehan ne put résister plus longtemps ; il se leva d’un bond et il se penchait au balcon pour l’appeler, lorsqu’un vieillard parut à son tour, marchant avec peine et conduit par un enfant. Jehan reconnut son père, et la parole s’arrêta sur ses lèvres. Il se rap-