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le serf.

maître Moreau ; et surtout veille à ce que le nouveau propriétaire n’empiète pas sur ce qui me reste, car un domaine écorné ressemble à une étoffe trouée ; la déchirure va toujours s’élargissant.

Dans ce moment un domestique ouvrit la porte.

— Qu’y a-t-il ? demanda le comte en se détournant.

— Un marchand voudrait être reçu par monseigneur.

— Un marchand ! que Satan l’étrangle ; il vient sans doute réclamer le montant de quelque créance.

— Monseigneur m’excusera, celui-ci est un colporteur.

— Et que vend-il ?

— Des manuscrits.

— Qu’il passe son chemin ; je n’ai que faire en ce moment de sa marchandise.

— Il prétend vouloir parler d’une affaire étrangère à son commerce et qui peut être profitable à monseigneur.

— Allons, vous verrez que c’est quelque juif qui veut me prêter à soixante pour cent ; fais entrer.

Le domestique sortit et reparut bientôt avec un jeune homme au teint brun, à la chaussure poudreuse et portant sur ses épaules la balle de colporteur.

À la vue du comte il se découvrit et demeura debout à quelques pas, attendant que messire Raoul lui adressât la parole.

— Tu as affaire à moi ? lui demanda brusquement celui-ci.