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lia conversation avec le curé, auquel il raconta une partie de ses misères.

Celui-ci, qui considérait la monture du jeune homme d’un œil d’envie, lui proposa tout à coup d’entrer dans sa troupe. Le rôle du Péché mortel, dans la pastorale intitulée : la Bonne et la mauvaise fin, se trouvait précisément à prendre. Il l’assura que les frères de la Passion, outre qu’ils faisaient une œuvre agréable à Dieu en représentant leurs mystères, vivaient dans une liberté et dans un bien-être dont aucune autre profession ne pouvait donner idée. Jehan fut persuadé ; il prit place dans un des chariots auquel il laissa atteler son cheval, et continua son chemin avec la troupe de maître Chouard.

Malheureusement, les promesses de ce dernier étaient comme ses pièces : Sonitus et vacuum, sed præterea nihil. Jehan ne tarda point à s’apercevoir du mépris mérité dont ils étaient partout l’objet. À cette époque de rénovation, le besoin de changement et d’aventures avait poussé hors du logis tous ceux auxquels le classement rigoureux de la féodalité était devenu insupportable : c’était ainsi que s’étaient formées les compagnies de partisans qui couvraient la France, les bandes de pèlerins que l’on rencontrait sur toutes les routes, et enfin les troupes de comédiens qui, sous différents noms, commençaient à exploiter les moindres villes du royaume. Celle que dirigeait le curé Chouard n’était qu’un ramas de clercs endettés, d’écoliers compromis, de banqueroutiers en fuite, qui eus-