tions successives de terreur, de joie ou de fierté. Dans une société, d’ailleurs, où la force avait toujours le droit de son côté, l’homme de guerre ne devait-il pas être le plus indépendant et le plus heureux ? Ces idées fermentèrent dans son esprit toute la nuit.
Le lendemain, lorsqu’il se présenta à la demeure du chevalier, celui-ci lui demanda ce qu’il désirait en récompense du service qu’il lui avait rendu.
— Prendre rang parmi les hommes d’armes du roi, répondit Jehan.
— Es-tu serf ou homme libre ? demanda le gentilhomme.
— Serf, messire.
— Alors la chose est impossible ; le serf doit son sang à son seigneur, et ne peut en disposer sans que celui-ci y consente.
— Toujours, pensa Jehan en quittant le chevalier, toujours le même obstacle ! Impossible d’échapper à ce vice de naissance qui me marque au front comme Caïn ! Ah ! c’est trop attendre ; brisons cette chaîne à tout prix.
Et le soir même il quittait Paris, monté sur son cheval de guerre.
Il traversa d’abord la forêt de Bondi, pleine de charbonniers et de boisseliers : comme il allait en sortir, il rencontra une troupe de gens conduits par un curé, qui voyageaient sur deux chariots traînés par des ânes ; c’étaient des confrères de la Passion qui parcouraient la France en jouant des mystères. Jehan