ses vertus et de son expérience. C’est le royaume du ciel transporté sur la terre. Notre vie s’écoule en travaux utiles, en bonnes œuvres et en prières ; les seigneurs qui tiennent tout esclave dans le monde sont sur nous sans pouvoir ; s’ils touchent à nos droits, nous pouvons les retrancher, par l’excommunication, de la société des chrétiens ; s’ils nous attaquent, les fortifications de notre couvent nous rendent la défense facile.
— Il est vrai, dit Jehan, mais cette liberté, vous la payez du plus grand bonheur que l’homme puisse connaître sur la terre ; vous ne voyez ni vos sœurs, ni vos mères ; vous ne pouvez choisir une femme, ni bercer dans vos bras un enfant. Ah ! je ne puis accepter un affranchissement qui me séparerait à jamais de Catherine.
— Retourne au monde alors, Jehan, dit le novice ; tu apprendras bientôt que plus on y forme de liens, plus on donne de prise à la douleur. Ceux qui sont nés serfs comme nous n’ont pas à choisir leur moyen d’affranchissement ; s’ils veulent donner la liberté à leur intelligence et à leur âme, il faut qu’ils acceptent le sacrifice de leurs instincts terrestres. Le monastère est un premier dépouillement de l’enveloppe charnelle, une sorte d’initiation à la vie de l’éternité.
Jehan revint chez maître Laurent tout incertain et tout pensif. Malgré les paroles du jeune novice, la vie du cloître ne satisfaisait point complétement ses désirs ; il était à cet âge où l’on ne compte point avec la