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grands sacrifices pour attirer les trafiquants ; quelques-unes allaient jusqu’à entretenir sur les chemins des troupes armées, chargées de donner aux marchands aide et protection contre les routiers ou coureurs de poule[1], alors fort communs. La foire de Tours, sans être une des plus importantes de France, attirait pourtant un nombre considérable de commerçants étrangers. Leurs boutiques, ornées de drapeaux, étaient pleines de bateleurs, dont les tours attiraient les curieux. On y voyait les tapissiers d’Arras, les drapiers de Sedan, les confituriers de Verdun, confisant au miel pour les bourgeois, au sucre pour les gentilshommes ; les gantiers d’Orléans, vendant les célèbres gants de moufle, de chamois, brodés, fourrés de martre, pour porter le faucon, au prix de neuf livres, c’est-à-dire autant que douze setiers de blé ! On y rencontrait également des Italiens vendant les belles armes de Milan, et des Allemands les mauvaises armures de leur pays. Puis venaient les apothicaires, cédant au poids de l’or le suc des cannes à miel[2] et l’eau-de-vie ; les cordonniers avec leurs mille chaussures de cuir de Montpellier ; les libraires avec leurs manuscrits enrichis de miniatures, recouverts de velours, de vermeil, de pierreries, et dont un seul pouvait coûter mille livres ! les méridionaux étalant leurs riches soieries brochées d’argent,

  1. On donnait ce nom aux soldats maraudeurs. Les coureurs de poule étaient les mêmes traînards qui, sous l’empire, furent appelés fricoteurs.
  2. Sucre.