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LA GROAC’H DE L’ILE DU LOK.

gonec, peigné, sellé, bridé, avec un ruban sur chaque oreille et un plumet bleu au front.

Bellah le monta sans balancer. Il partit d’abord au pas, puis au trot, puis au galop, et il allait si vite, que les fossés, les arbres, les maisons, les clochers passaient devant les yeux de la jeune fille comme les bras d’un dévidoir. Mais elle ne se plaignait pas, sachant que chaque pas l’approchait de son cher Houarn ; elle excitait, au contraire, le bidet, en répétant :

— Le cheval va moins vite que l’hirondelle, l’hirondelle va moins vite que le vent, le vent va moins vite que l’éclair ; mais toi, mon bidet, si tu m’aimes, il faut aller plus vite qu’eux tous ; car j’ai une part de mon cœur qui souffre, la meilleure moitié de mon cœur qui est en danger.

Le bidet l’entendait et courait comme une paille qu’emporte le tourbillon, si bien qu’il arriva enfin dans l’Arhez, au pied du rocher que l’on appelle le Saut du cerf.

Mais là il s’arrêta, car jamais cheval ni jument n’avait gravi ce rocher. Bellah, qui comprit pourquoi il restait immobile, recommença à dire :


De saint Vouga rappelle-toi !
Bidet de Léon, conduis-moi
Sur le sol, dans les airs, sur l’eau,
Partout où passer il me faut !