Page:Souvenirs et Reflexions.pdf/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Suis-je sociable ?… Qu’entend-on par là ?

« Né pour vivre en société ». Quelle société ? Tout est là. Si c’est une « société » qui me déplait, j’aime tellement mieux la solitude ! N’avez-vous jamais rencontré des gens qui suent l’ennui ?… Pour moi, j’aime mieux vivre en ermite. Quelques-uns vous inspirent de l’aversion ; ça c’est un instinct. L’aversion ?… mystère, tout comme le sentiment opposé, effluves, sympathie, antipathie, incompatibilité : ne pas savoir souffrir ensemble. On éprouve alors un sentiment de gêne comme dans un air irrespirable. Certains d’entre nous rayonnent ; d’autres absorbent ; ils vous prennent de votre fluide vital, (si l’on peut dire). J’en connais auprès desquels il me serait impossible de reposer, si fatiguée, si lasse que je sois. Ce genre d’insociabilité est peut-être un défaut, un manque de charité ?… Mais alors, qu’allaient faire les saints dans leur Thébaïde ? Si j’osais, je développerais mon opinion en passant à un autre ordre d’idées, source de conflits passionnels. Comment admettre que l’on tue par amour ? Quel abus de mots ! Fourrer de l’amour dans un browning ou autre engin de destruction ! Je t’adore ; pan ! un coup de pistolet ; gare au vitriol, au couteau, etc. Il serait plus exact de dire : je m’aime, moi. Toi, tu excites mon appétit, tout comme une douzaine d’huitres ou un faisan ; je te supprime pour que tu ne fasses pas le régal d’un autre… Je ne vois pas de mal à ce que, dans nos relations sociales et même amicales, notre être intime reste plus ou moins voilé. De là à le dissimuler jusqu’à le fausser, cela me paraît antipathique. C’est un manque de simplicité dont il faudrait pouvoir se défendre.

La simplicité suppose en nous un centre où se rejoignent les sentiments, les attitudes, les façons d’agir, les manières de s’exprimer toutes choses qui ne doivent pas se contredire mutuellement.


Mentir, c’est se renier soi-même, c’est reconnaître implicitement que l’on est quelque chose de ténébreux en qui personne ne peut voir clair.


Qui niera qu’un foyer d’infection peut contaminer toute une région ?… Dans le monde moral, tout se passe comme dans le monde physique : un seul être malfaisant crée une ambiance pouvant engendrer des maux de toutes sortes, même physiques. Il rend l’air irrespirable, sème la tempête, fait éclore des miasmes morbifiques. C’est un fléau.