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admiré et aimé si possible. Bien ! Admettons donc pour un grand homme la possibilité d’être admiré de quelques millions de ses contemporains. Combien l’auront seulement entrevu ?… Pour un nombre incalculable d’êtres humains dans le passé, le présent et l’avenir, le grand homme n’existe pas ! Allons plus loin ; imaginons un homme universellement glorifié ; sa gloire doit fatalement périr, et son œuvre avec elle, puisque notre planète cessera un jour d’exister. À notre époque vénale il est facile à des médiocres — parmi ceux qui en ont les moyens — de se tailler une gloire artificielle, viagère naturellement… pas même viagère dans bien des cas. L’oubli les guette, même de leur vivant.

Conclusion : la gloire est un leurre, un pur néant comme ce qui n’est que de la terre. Homme qui passes, ce n’est pas ton œuvre qui importe, mais la qualité de la sensibilité qui a enfanté cette œuvre parce qu’elle vient de ton âme, et c’est ton âme qui est éternelle.


Le manque d’ordre parmi les humains afflige tout leur être physique et mental. Les gens désordonnés sont huluberlus, brouillons, bouci-boula, irréfléchis. Ils parlent à tort et à travers, disant ce qui passe dans leur esprit sans contrôle préalable ; ils agissent au petit bonheur, même en des circonstances demandant le plus de circonspection.

En revanche, l’ordre peut tourner à la manie et entraîner quelque parcimonie, c’est-à-dire des dispositions à l’avarice, tandis qu’à l’opposé nous trouvons plutôt du désintéressement, de la générosité car le défaut précité, s’il altère quelque peu la bonté du cœur, ne l’annihile pas absolument.


Toutes les supériorités sont des obstacles dressés entre nous et le bonheur, ou ce que nous appelons tel.


Mes enfants, il est une chose qu’on ne saurait trop répéter.

Défiez-vous des séductions du luxe.

Sachez-le bien, le luxe est homicide. D’autres, plus savants que moi (qui ne sais rien mais qui sens bien des choses), l’ont dit, l’ont prouvé. Les économistes vous diront que le luxe est un gaspillage de forces. Ils pourraient, avec des chiffres, évaluer ce qu’une année de la toilette de certaines femmes coûte de vies humaines. Ceci n’est pas exagéré. C’est vrai, mathématiquement vrai. Des milliers d’êtres peinent, gémissent et meurent pour satisfaire à la vanité d’une poignée d’entre nous.