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À propos de musique

Il fallait, pour traduire le besoin d’infini déposé en chacun de nous, un langage imprécis comme nos aspirations sans objet, élans, tendances vers un bien qui nous sollicite et se dérobe. Ce langage, c’est la musique, quand elle est à la hauteur de sa mission.


J’ai lu dans un journal de musique : « La gamme n’a que sept notes ; on ne peut les varier à l’infini ». Erreur. Les combinaison musicales tendent toujours à l’infini. Si j’étais mathématicienne, je trouverais certainement une formule pour démontrer cela par A + B. N’étant pas mathématicienne, j’emploierai les mots de tout le monde.

D’abord, aux sept notes de la gamme, il faut ajouter les altérations, puis toute l’étendue du clavier que l’on pourra étendre encore. Je sais bien qu’avec les 85 notes du clavier actuel, on pourrait déterminer le nombre de combinaisons que leurs divers groupements pourraient donner. Oui, si les notes étaient des signes n’ayant aucun sens. Au lieu des notes, prenons les chiffres, par exemple. Il n’y a que 9 chiffres. Donc il serait facile de compter combien les 9 chiffres pourraient donner de combinaisons par leurs différents groupements. Ce serait énorme, mais limité. Oui, si les chiffres n’étaient que de vains signes n’ayant aucun sens, comme, par exemple, de petits morceaux de bois nuancés différemment. Du moment que les chiffres arrivent à signifier quelque chose, qu’ils deviennent nombres servant à compter des unités, alors nous dévidons vers l’infini, car on ne peut toujours ajouter une unité à d’autres unités.

Prenons maintenant les lettres de l’alphabet. Du moment que les groupements de lettres deviennent des mots qui ont un sens, nous arrivons aux groupements de mots qui expriment des idées, et nous voilà dans l’infini. Jamais on n’écrira deux fois le même livre.

Il en est de même pour les notes : combinaisons de notes, combinaisons d’accords, combinaisons de dessins, combinaisons de rythme, superposition de dessins, de rythmes, d’accords et nous voilà dans un infini qui pourrait sembler encore plus étendu s’il était possible.