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mon oncle théodore schubert.

« Ne l’emmènera-t-on pas un peu plus tôt aujourd’hui ? » pensais-je toute la matinée, animée d’un secret espoir.

Hélas ! non, Olga ne devait partir que fort tard dans la soirée. Que faire ? Réprimant ma mauvaise humeur, je pris le parti de m’ouvrir à mon amie et de la prier de ne pas me gêner.

« Vois-tu, Olga, lui dis-je d’une voix insinuante, je jouerai toute la journée avec toi, et je ferai tout ce que tu voudras ; en revanche, après le dîner, fais-moi le plaisir de me laisser tranquille et de t’en aller. Nous causons toujours après le diner, mon oncle et moi, et nous n’avons pas du tout hesoin de toi. »

Elle accepta ma proposition ; et, dans le courant de la journée, pour ma part, je remplis rigoureusement notre contrat. Je jouai à tous les jeux qu’elle imagina, j’acceptai tous les rôles qu’elle m’imposa, me transformant au premier signe, de dame en cuisinière, et de cuisinière en dame. Enfin on nous appela pour dîner. À table, j’étais sur des épines. « Olga tiendra-t-elle parole ? » pensai-je ; et, non sans inquiétude, je regardais ma compagne à la dérobée, lui jetant des coups d’œil expressifs, destinés à lui rappeler nos engagements.

Après le dîner, comme d’habitude, je vins baiser la main de papa et de maman, puis, m’approchant de mon oncle, j’attendis qu’il parlât.

« Eh bien, petite fille, causerons-nous ce soir ? » demanda-t-il en me pinçant amicalement le menton.

Je sautais de joie et, saisissant gaiement sa main,