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sophie kovalewsky.

Mais attendez qu’elle ait encore passé sous clef une heure ou deux, la mémoire lui reviendra peut-être. »

Effectivement, le soir venu, Fékloucha fit des aveux complets, et raconta, avec force détails à l’appui, comment elle avait volé les objets, ayant l’intention de les vendre quand cela lui serait possible ; comment, faute d’occasion favorable, elle les avait longtemps tenus cachés sous le lambeau du feutre qui lui servait de lit dans un coin du cabinet ; comment, s’étant aperçue qu’on recherchait activement le voleur, les objets perdus ne se retrouvant pas, elle avait pris peur, et songé d’abord à les remettre à leur place, puis, craignant de se découvrir, les avait noués dans un de ses tabliers, pour les jeter dans un étang très profond, situé derrière la maison.

On souhaitait si vivement sortir de cette fâcheuse affaire que le récit de Fékloucha ne fut pas soumis à une critique bien sévère. Après avoir un peu regretté des objets si inutilement perdus, chacun se contenta de l’explication donnée par l’enfant. La coupable fut tirée de prison et passée en jugement : la sentence fut aussi équitable que sommaire : on condamna Fékloucha à être fouettée et à retourner chez sa mère au village. Et malgré les larmes de Fékloucha et les protestations de sa mère, la sentence fut aussitôt exécutée. Une autre petite fille remplaça la voleuse à notre service.

Quelques semaines se passèrent, l’ordre se rétablit peu à peu dans la maison, et on commençait à oublier l’affaire. Mais un soir, sur le tard, tout le