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triomphe et défaite.

tu le traduisais en suédois. Je me reprocherais seulement de te prendre un temps que tu pourrais employer beaucoup mieux. J’ai aussi écrit un long récit sur mon enfance, sur la jeunesse de ma sœur, et ses premiers débuts littéraires, et sur notre intimité avec Dostoiévsky. Pour le moment, j’ai repris Væ victis que tu te rappelles peut-être. J’ai encore un autre roman en tête, les Revenants, qui m’occupe aussi beaucoup. Je voudrais bien que tu me donnes la permission de disposer à mon gré de notre enfant commun : « Quand la mort n’existera plus ». De tous nos enfants c’est mon préféré, et j’ai beaucoup pensé à lui ces derniers temps. Je lui ai même trouvé un cadre remarquable, l’institut Pasteur, que j’ai eu l’occasion de visiter. Depuis quelques semaines déjà, je tourne dans ma tête un plan pour l’avenir de cet enfant, mais le projet est si hardi et fantastique, que je n’ose me lancer avant que tu ne m’aies donné le droit d’agir librement. »

En août, elle m’écrivit encore de Sèvres, où elle s’était établie pour les mois d’été, avec sa petite fille, et quelques amis russes :

« Je viens de recevoir une lettre de Gösta qui me dit que je te trouverai peut-être à mon retour en Suède. Je dois avouer que je suis assez égoïste pour m’en réjouir de tout mon cœur. Je suis impatiente de savoir ce que tu écris maintenant. Pour ma part, il y a tant de choses que je voudrais te montrer et te communiquer ! Les sujets de romans ne m’ont jusqu’ici jamais manqué, Dieu merci, mais pour le