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désillusions et tristesses.

pédant et conservateur comme moi, ne peut jamais bien travailler que chez lui ; c’est pourquoi je suis revenue à ma vieille Suède, à mes livres et à mes paperasses. »

Et plus tard, du même endroit :

« J’ai beaucoup pensé à notre premier-né (le double drame intitulé La lutte pour le bonheur). Mais à parler franchement je commence à décerner dans le pauvre petit une foule considérable de défauts organiques, surtout en ce qui concerne la composition elle-même. Comme pour se jouer de moi, le sort m’a fait rencontrer cet été trois savants, — rencontre dans son genre fort intéressante. L’un d’eux, le moins doué selon moi, a déjà obtenu quelques succès ; le second, plein de talent sous certains rapports, ridiculement borné sous d’autres, a justement commencé sa « lutte pour le bonheur ». Quel en sera le résultat, c’est ce que je ne saurais prévoir encore. Le troisième, un type très curieux, est déjà brisé de corps et d’âme, et c’est un type digne d’être étudié par un romancier. L’histoire de ces trois hommes, dans sa simplicité, me semble beaucoup plus intéressante que tout ce que nous avons imaginé ensemble.

Selon le désir de ton frère, j’ai pris un volume de Runeberg, « Hanna », « Nadejda », etc., et je l’ai lu ici. Mais cela ne me plaît guère ; ces vers ont pour moi le même défaut que la Création de Haydn ; le diable y manque trop, et sans un petit rayon de cette puissance supérieure, l’harmonie ne saurait exister en ce monde. »