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humeurs changeantes.

spirituelle, pleine de vie et de gaieté, allait recommencer.

Elle prit la roule du Havre et débarqua à Christiania la nuit, après trois jours de traversée et un violent mal de mer ; mais infatigable, comme elle savait l’être quand elle était bien disposée, elle fit partie, dès le lendemain matin, après quelques heures de sommeil, d’une excursion suivie d’une fête, qui se prolongea fort avant dans la nuit. Beaucoup de toasts lui furent portés à cette occasion ; les personnalités les plus marquantes l’entourèrent, et comme toujours en pareil cas, elle fut si modestement aimable, et d’une grâce si jeune, qu’elle charma tout le monde. Nous fîmes ensemble un voyage de quelques jours et traversâmes le Telemarken pour visiter l’école supérieure populaire d’Ullmans, à laquelle Sophie prit un intérêt chaudement sympathique. Cette visite fut pour elle le sujet d’articles qu’elle écrivit ensuite avec un grand succès dans une revue russe, le Messager du Nord.

Nous fîmes aussi une ascension à pied à partir de Siljörd, la première course de montagne que Sophie eût jamais faite. Elle était hardie, vive et infatigable ; enchantée par la beauté de la nature, pleine de gaîté et d’entrain, troublée seulement, à certains moments, par l’aspect des vaches aux alentours d’un chalet, ou par des amoncellements de pierres qu’il fallait traverser, et dont quelques-unes se détachaient sous ses pieds ; elle poussait alors de petits cris d’angoisse qui amusaient fort le reste de la société. Le sentiment