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sport et autres divertissements.

tiques sur patins, parce qu’elle en perdait l’équilibre. D’autres fois, c’était avec la grande dame qu’elle échangeait des observations psychologiques, et des plans de drames ou de romans ; elles se disputaient la palme pour le noble sport qui les absorbait, et quelque bien disposées qu’elles fussent à reconnaître leurs mérites respectifs sur d’autres points, elles n’étaient jamais d’accord sur ce chapitre-là. Ceux qui rencontrèrent cet hiver Mme Kovalewsky dans le monde, la crurent une patineuse de premier ordre, capable de remporter facilement le grand prix ; son intérêt pour ce sport était si vif, qu’elle semblait plus fière de ses moindres succès sur la glace que des travaux scientifiques auxquels elle devait une renommée européenne. Jamais du reste elle n’était plus contente d’elle-même, que lorsqu’elle croyait réussir une chose au-dessus de ses forces, et pour laquelle les dispositions naturelles lui faisaient complètement défaut. La petite dame se montra aussi cet hiver au manège, suivie de sa grande compagne, car il était convenu qu’elles ne se quitteraient pas dans leurs entreprises, La célèbre Mme Kovalewsky attirait naturellement l’attention partout où elle allait, mais une petite fille de douze ans ne se serait pas montrée plus enfant à la leçon d’équitation. Son goût pour les exercices du corps était en désaccord complet avec ses talents naturels. À peine montée sur un cheval, qu’elle avait soin de demander aussi doux et tranquille que possible, ce qu’on ne lui refusait jamais, elle était prise de peur, et perdait toute présence