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premier appel de suède.

sieur, combien je vous suis reconnaissante pour l’amitié que vous m’avez toujours témoignée, et combien je suis heureuse de pouvoir bientôt commencer une carrière qui a toujours été l’objet de mes plus chers désirs. Cependant je ne crois pas pouvoir vous dissimuler que, sous plus d’un rapport, je me sens encore fort peu préparée aux devoirs d’un « docent », et je commence même à douter quelquefois de moi-même, au point de craindre que vous, cher Monsieur, toujours si disposé à me juger avec bienveillance, n’éprouviez quelque désillusion lorsque vous verrez de plus près ce dont je suis capable.

« Je suis si reconnaissante à l’Université de Stockholm, qui, seule de toutes les Universités d’Europe, veut bien m’ouvrir ses portes, je me sens d’avance si disposée à m’attacher à Stockholm et à la Suède comme à un pays natal ! J’espère que quand j’y viendrai ce sera pour y passer de longues années, et pour y trouver une seconde patrie. Mais c’est justement pour cela que je ne voudrais y venir que lorsque je sentirai mériter la bonne opinion que vous voulez bien avoir de moi, et lorsque je pourrai espérer y produire une impression favorable. J’ai écrit aujourd’hui même à Weierstrass, pour lui demander s’il ne trouve pas prudent que je passe encore deux ou trois mois auprès de lui, pour me mieux pénétrer de ses idées, et pour combler les lacunes qui peuvent encore exister dans mon instruction mathématique. Ces deux mois à Berlin me seraient extrêmement profitables sous tous les rap-