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la vie en russie.

La littérature tenait une plus grande place que la science parmi ceux qui l’entouraient, aussi le besoin de sympathie intellectuelle, si puissant en elle, la poussa dès lors dans un courant d’idées littéraires. Elle écrivit, mais sans les signer, des articles de journaux, des critiques théâtrales, des vers, et même une nouvelle qui eut un certain succès, « le Privat Docent », description d’une petite ville universitaire allemande.

Aniouta, également occupée de travaux littéraires, habitait aussi Pétersbourg avec son mari ; Voldemar Kovalewsky avait entrepris des traductions, et la publication d’ouvrages de science populaire, entre autres le célèbre livre de Brehm, les Oiseaux.

La fortune dont Sophie hérita de son père fut insignifiante ; le testament du général était entièrement eu faveur de sa femme : aussi la vie des Kovalewsky, installée avec un certain luxe, devint-elle bientôt trop coûteuse. De là, l’idée de tenter quelques spéculations, que Sophie fut la première à concevoir ; Voldemar, personnellement indifférent au luxe, se laissa entraîner par son imagination, et les affaires se succédèrent rapidement. Ils commencèrent par des entreprises de maisons, construites à Pétersbourg, puis vint un établissement de bains, une orangerie, la fondation d’un journal, et une série d’inventions nouvelles. La fortune sembla leur sourire au début, leurs amis leur prédisaient un brillant avenir, et lorsque, en 1878, leur premier et unique enfant vint au monde, elle fut accueillie comme la