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IV

LA VIE EN RUSSIE


Quelle différence entre cette réunion de famille et celles que décrivait Sophie dans ses Souvenirs d’enfance ! Les deux jeunes filles ignorantes, aspirant à une vie idéale, étaient remplacées par deux jeunes femmes que l’existence, telle qu’elles se l’étaient choisie, avait singulièrement développées. Mais si la réalité ne répondait pas à leur rêve, elles rapportaient cependant une expérience de la vie assez riche d’intérêt, pour donner lieu à de longues conversations, au coin du feu, en hiver, dans le grand salon de damas rouge, le samovar sur la table à thé, et les loups au dehors, entonnant leur concert famélique autour du parc solitaire.

Le monde ne paraissait plus aussi démesurément grand aux deux sœurs ; elles en avaient jugé les proportions. L’une, Aniouta, n’aspirait plus à de violentes émotions ; passionnément éprise du mari assis à ses côtés, sur un des grands fauteuils rouges, l’air