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sophie kovalewsky.

expressive et singulièrement animée, les yeux surtout, passant avec mobilité de l’enjouement à une sérieuse rêverie, elle offrait le mélange d’une naïveté presque enfantine, et d’une remarquable profondeur de pensée.

« Elle séduisit tout le monde par le charme inconscient qui la caractérisait à cette époque ; jeunes et vieux, hommes et femmes, étaient également attirés ; mais elle ne semblait pas remarquer les hommages qui l’entouraient, tant elle était simple et dénuée de coquetterie. Sa toilette ne lui donnait aucun souci, elle y apportait même une grande négligence qu’elle conserva toujours. »

La même amie cite à l’appui le petit trait caractéristique suivant :

« Je me souviens qu’un jour, bientôt après avoir fait sa connaissance, tandis que nous causions avec animation d’un sujet intéressant pour toutes deux — nous ne pouvions causer d’ailleurs qu’avec animation dans ce temps-là, — Sophie s’amusait à défaire lentement la garniture de sa manche gauche, et après l’avoir détachée, elle la jeta à terre, comme une chose inutile, dont elle était bien aise de se débarrasser. »

Après une demi-année passée à Pétersbourg, le jeune couple partit au printemps de 1869 pour Heidelberg, Sophie pour y étudier les mathématiques, et son mari la géologie. Après avoir pris leurs inscriptions, ils voyagèrent pendant les vacances d’été, et allèrent en Angleterre, où ils firent la connais-