de la solitude, et passait des mois entiers sans voir âme qui vive, sans échanger une parole intelligente avec qui que ce soit. Tout à coup, il vit très inopinément arriver un ancien camarade — j’oublie le nom qu’il nous cita. — C’était la veille du jour de Pâques, dans la soirée ; mais la joie de se revoir fit qu’ils oublièrent quelle était cette soirée ; ils passèrent la nuit entière à causer, sans souci du temps ni de la fatigue, grisés par leurs propres paroles.
La conversation roula sur ce qui leur tenait le plus à cœur : la littérature, l’art, la philosophie, et enfin la religion.
L’ami de Dostoiévsky était athée, lui croyant, tous deux également convaincus.
« Il y a un Dieu ! » cria enfin Dostoiévsky hors de lui.
Au même moment les cloches de l’église voisine sonnèrent les matines de Pâques a toute volée : l’air fut ébranlé de ce tintement, et « je me sentis englouti par la fusion du ciel et de la terre », racontait Théodore Mikhaïlovitch, « j’eus la vision matérielle de la divinité, elle pénétra en moi. Oui, Dieu existe ! criai-je, et je ne me rappelle rien de ce qui suivit. »
« Vous autres, gens bien portants, continua-t-il, ne soupçonnez pas le bonheur que nous éprouvons, nous autres épileptiques, une seconde avant l’accès. Mahomet, dans son Coran, affirme avoir vu le paradis, y avoir été. De sages imbéciles prétendent que c’est un menteur et un fourbe. Oh ! que non ! il n’a pas menti ; il a certainement vu le paradis dans une