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sophie kovalewsky.

qu’au prochain voyage à Pétersbourg elle pourrait faire sa connaissance.

Ainsi qu’il a déjà été dit, ma mère et ma sœur allaient presque chaque hiver à Pétersbourg, où elles avaient toute une colonie de tantes vieilles filles. Celles-ci occupaient une maison entière à Vassili-Ostrof, et mettaient toujours deux ou trois chambres à la disposition de ma mère et de ma sœur. Mon père restait généralement à la campagne ; on m’y laissait aussi sous la surveillance de mon institutrice : mais cette année, l’Anglaise étant partie, et la nouvelle institutrice, une Suissesse, n’inspirant pas assez de confiance, ma mère, à mon indescriptible joie, résolut de m’emmener.

Nous partîmes en janvier, pour profiter du traînage. Un voyage à Pétersbourg n’était pas chose facile. Il fallait faire soixante verstes avec ses propres chevaux, par un chemin de traverse ; puis deux cents verstes, par la chaussée avec des chevaux de poste ; puis enfin, à peu près une journée en chemin de fer. Une grande voiture sur patins, attelée de six chevaux, nous contenait, maman, Aniouta et moi ; une femme de chambre avec nos bagages nous précédait, dans un traîneau attelé en troïka ; et tout le long de la route, le son clair des grelots, tantôt se rapprochant, tantôt s’éloignant, s’éteignant presque dans le lointain pour résonner tout à coup à nos oreilles, nous berça et nous accompagna.

Que de préparatifs pour ce voyage ! À la cuisine il s’était combiné assez de bonnes choses pour suffire