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mon oncle théodore schubert.

absente ; elle faisait une visite de quelques jours dans le voisinage : personne donc ne me chercha, et je pus me calmer auprès de Niania. Quand je fus plus tranquille, elle me fit prendre du thé, et me coucha dans mon petit lit, où je m’endormis aussitôt d’un sommeil de plomb. Mais le lendemain en m’éveillant, lorsque je me rappelai la scène de la veille, la honte me reprit ; il me parut impossible d’affronter ma famille ; jamais je n’aurais ce courage. Les choses se passèrent cependant beaucoup mieux que je n’aurais pu l’espérer. Olga avait été emmenée la veille au soir. Évidemment elle avait eu la générosité de ne pas m’accuser : je m’aperçus qu’on ne savait rien.

Personne ne me reprocha l’épisode de la veille, personne ne me taquina. Mon oncle lui-même parut ne pas s’en souvenir.

Chose étrange cependant, depuis ce moment, mes sentiments pour lui subirent une transformation complète. Nos entretiens du soir ne se renouvelèrent plus. Bientôt il retourna à Pétersbourg ; et, quoique les occasions de le rencontrer ne fussent pas rares par la suite, qu’il fût toujours très bon pour moi, et que j’eusse pour lui beaucoup d’amitié, je ne retrouvai plus pour lui mon adoration première.