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FROISSART

les produits des tailles, les revenus des péages, toutes les ressources que le moyen âge, aussi avancé que nous en pareille matière, demandait à ce protée qui s’appelle l’impôt !

Le dénombrement de messire Espaing de Lion ressemble à un dénombrement d’Homère. Même naïveté, même enthousiasme. Les florins d’or ruissellent de ses lèvres et s’empilent en superbes totaux au bout de ses phrases solides à la fois et retentissantes.

On sent là toute la joie et l’orgueil d’une recette égale à la dépense, ou comme l’on dirait de nos jours, d’un budget en équilibre ! Qu’est-ce que cela prouve ? Cela prouve que monseigneur Gaston Phœbus, dans un État moderne, aurait été un grand ministre des finances !

Grâce à cet exposé, où les chiffres étaient d’une éloquence si convaincante, Froissart comprit sans peine comment le comte de Foix pouvait tenir en état de défense tant de châteaux et de forteresses, solder tant d’hommes d’armes, acheter tant de meubles précieux, étaler dans ses festins tant de vaisselle d’argent et de vermeil, nourrir tant de beaux chevaux et de beaux levriers, faire enfin à tous ses hôtes, lorsqu’ils prenaient congé de lui, de riches présents qu’il fallait toujours accepter ; « car, ajoutait messire Espaing de Lion, bien le courroucerait qui le refuserait. » Froissart n’avait pas besoin de cet avis ; il avait trop l’usage des cours, pour jamais courroucer un prince à cet endroit.