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À LA COUR DE GASTON PHŒBUS.

élégant trouvère, était fait pour défrayer la conversation de plus de vingt journées de voyage.

Cette fois, messire Espaing de Lion est plus expansif que d’habitude. Il est vrai qu’on ne le questionne ni sur les secrets de l’État, ni sur les drames de famille ; mais seulement sur les revenus du comte de Foix. La langue, sur un pareil sujet, pouvait se donner libre carrière et courir bride abattue. Elle n’y fait faute.

Le bon chevalier, avec la prolixité habituelle des serviteurs dévoués des grandes maisons, se livre à un inventaire enthousiaste de la puissance et de la richesse de son maître. Il compte toutes ses forteresses et tous ses châteaux ; il montre les donjons restaurés ou rebâtis, bien solides, bien pourvus d’armes et de combattants ; il s’étend avec complaisance sur les résidences favorites du comte, sur les longues galeries tapissées d’armures neuves et reluisantes, sur l’éclat de la vaisselle, sur la somptuosité des galas dans les grands jours de réception, sur la beauté des chevaux, sur l’excellence des chiens, sur l’ensemble et les détails de cette noble existence féodale, si large, si complète, si dominatrice !

Et quand l’abbé se récrie d’admiration, quand il demande, en ouvrant de grands yeux, comment le comte de Foix peut suffire à tant de dépenses diverses, à tant de luxe, le chevalier oublie toute réserve, toute discrétion, il devient presque lyrique (mauvaise tendance pour un confident de prince), en énumérant les rentes des domaines,