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À LA COUR DE GASTON PHŒBUS.

sous peine de manquer au principe même de la féodalité.

Froissart ne nous dit pas si le pauvre âne fut rôti vivant ; mais j’imagine que l’eût-on vu flamber avec les bûches, l’enthousiasme et le rire n’y auraient rien perdu, et que le Bourg d’Espagne, cet Ajax du xive siècle, dont vous vous rappelez peut-être les grands coups de hache sur les routiers de Lourdes, au pont de Tournay, n’en aurait été que mieux complimenté et plus fort applaudi.

De pareils passe-temps contrastaient singulièrement avec les délicatesses académiques et sentimentales que nous constations tout-à-l’heure. Et cependant, ils se produisaient à la cour d’un des seigneurs les plus élégants et les plus polis du xive siècle. Gaston Phœbus est, en effet, pour Froissart le type le plus noble du prince féodal. Jugez-en par ce portrait tracé d’une main si complaisante. Voici d’abord comment l’homme physique est représenté : « Le comte de Foix avait environ 59 ans d’âge, et je vous dis que j’ai vu en mon temps bien des chevaliers, rois, princes et autres, et je n’en ai vu onques nul qui fût de si beaux membres, de si belle forme et de si belle taille ; visage bel, sanguin et riant, les yeux vairs (brillants), et encore amoureux partout où il lui plaisait son regard asseoir. »

Passons maintenant au portrait moral, qui n’est ni moins brillant ni moins complaisamment