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À LA COUR DE GASTON PHŒBUS.

On soupait aussi chez Frédéric II ; on lisait les vers du roi, corrigés à l’avance par Voltaire ; on les applaudissait, cela va sans dire, vers de rois sont toujours magnifiques. Dans ces réunions intimes, où l’immortel railleur était le vrai souverain, on ne raffinait pas sur le sentiment, c’est vrai, mais en revanche on raffinait sur le scepticisme ; on ne glorifiait pas l’amour, on glorifiait la raison. Mais qu’importent les thèses soutenues ? Qu’importe la différence du temps et des idées ? Je n’ai pas entendu mettre en parallèle le moyen âge et le xviiie siècle, Gaston Phœbus et Frédéric II, Froissart et Voltaire. Non ! ce que j’ai voulu rapprocher, et ce que je rapproche, c’est l’hommage instinctif du despotisme féodal et l’hommage calculé du despotisme moderne, c’est la lance du chevalier et l’épée du monarque, s’abaissant l’une et l’autre devant la plume de l’écrivain ! Soyons fiers pour la pensée de ce double triomphe. Dans les soupers de Postdam, comme dans ceux de Moncade, la force abdique devant l’intelligence, l’auréole efface un instant la couronne… et le génie littéraire est roi !

Rentrons dans le moyen âge avec cette consolation et avec cet orgueil. Rentrons-y, mais sans nous attendre à beaucoup de ces satisfactions. La rudesse, en effet, la vieille rudesse germanique était restée dans les mœurs féodales, et elle perçait à travers les prétentions et les raffinements de cette cour, polie et reluisante à la surface. Les délassements homériques étaient en