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FROISSART

démêler, à travers une poésie et une philosophie menteuses, l’imperturbable despote, qui avait pris pour idéal du gouvernement des hommes, la discipline d’une caserne ! Une consigne, Dieu merci ! ne peut pas être la loi d’une société !

À la même époque, la littérature française avait à sa tête un de ces rares esprits qui ont le privilège d’émouvoir, de charmer et d’instruire leur siècle. Cet écrivain avait toutes les grâces comme toutes les forces du génie ; il en avait au besoin toutes les colères. Il entraînait par la passion, il séduisait par le bon sens, il tuait par l’ironie. Il s’était essayé dans presque tous les genres, et il excellait dans la plupart. Il descendait avec une merveilleuse aisance de la tragédie à la satire, de l’épopée à la facétie, de l’histoire au pamphlet. — De quelque côté qu’il attaquât les intelligences, il était sûr de les conquérir. Ce prince de la pensée était à ménager ; il gouvernait l’opinion et distribuait la gloire ! Vous avez deviné Frédéric II et Voltaire.

Le grand écrivain, depuis longtemps cajolé en prose et en vers, céda aux instances du souverain philosophe, et vint se fixer dans cette cour qui semblait lui promettre, avec toutes les libertés de l’esprit, toutes les déférences dues au génie. L’accueil fut enivrant. Le roi appelait le poète son ami, et dans cette académie cosmopolite de Berlin, les opinions de l’auteur de Zaïre étaient acceptées comme les arrêts du goût, et faisaient loi pour le royal versificateur.