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À LA COUR DE GASTON PHŒBUS.

valeresque. On subtilisait, on raffinait sur le sentiment, et la glose la plus quintessenciée était toujours la plus applaudie. N’importe ! Si alambiquée ou si frivole qu’elle fût, la pensée était là, et nous qui en avons le culte ardent et la passion inguérissable, nous devons être fiers pour elle de la place d’honneur que lui donnait Gaston Phœbus dans son château de Moncade !

Et ici, je ne puis résister à la tentation d’un rapprochement qui s’impose à mon esprit : presque de nos jours, juste au milieu du xviiie siècle, il y avait en Europe un prince ambitieux, politique, habile capitaine, organisateur puissant, lettré comme Gaston Phœbus, faisant comme celui-ci des vers dans une langue qui n’était pas la sienne, philosophe par-dessus le marché, aussi hardi sur le terrain des négations que sur un champ de bataille, contestant Dieu, mais ne laissant pas contester le droit divin de sa royauté, froid dans le cabinet et maître de lui dans l’action, novateur et despote, ne recourant à la violence que lorsqu’il la jugeait utile au succès, s’abstenant du crime, parce que le crime est presque toujours une faute ; homme en apparence contradictoire, au fond très conséquent avec lui-même et avec son principe. Le calcul domine toute sa vie ; calcul, ses vers légers ; calcul, ses hardiesses philosophiques ; calcul, peut-être, son athéisme ! Les contemporains furent séduits et ne virent que le novateur couronné. Mais la postérité plus calme a su